Il est 9 h du matin et le vent chaud du suroît caresse doucement les vastes étendues marécageuses qui m'entourent. Tout près de moi, deux Grandes Aigrettes se tiennent immobiles, sentant le miroir de l'eau à la recherche d'un bon déjeuner. Pendant un instant, je me plais à croire que je suis ailleurs. C'est finalement le cri retentissant du Râle de Virginie qui se trouve pratiquement à mes pieds, qui me ramène brusquement à la réalité. Non je ne suis pas dans les " Everglades ", mais c'est tout comme ! Je suis dans la Réserve nationale de faune du Lac-Saint-François par une belle matinée de juin. Bordée à l'ouest par l'Ontario et au sud par les États-Unis, la Réserve nationale de faune du Lac-Saint-François (RNFLSF) s'étire le long du lac Saint-François jusqu'à l'extrême sud-ouest du Québec. C'est le Service canadien de la faune qui a acquis ces terres humides en 1971 pour ensuite leur donner le statut légal de réserve nationale de faune, en 1978. La RNFLSF a une superficie de 13,5 km2 dont 83 % est couverte par des milieux humides (marais, prairies humides, herbiers aquatiques, marécages arbustifs et arborés). Avantageusement situé sur le plan géographique cet endroit jouit d'un des climats les plus doux de la province. C'est sans doute ce qui explique en partie la présence des 228 espèces d'oiseaux répertoriées jusqu'à maintenant dont 117 sont réputées nicheuses. La réserve abrite également neuf plantes rares au Canada et 22 qui sont menacées ou vulnérables au Québec. La valeur de ce site est telle qu'il a été reconnu comme un écosystème d'importance mondiale lors de la convention de Ramsar de 1987. À cause de sa dimension et de son caractère inhospitalier, la réserve a été relativement peu fréquentée par le grand public jusqu'à maintenant. Cependant en 1993, des résidants ont fondé une société à but non lucratif (AMAPRE) dont le mandat consiste à protéger la réserve et à la mettre en valeur en la rendant plus accessible. En partenariat avec le Service canadien de la faune, plusieurs travaux importants ont été effectués (tour, sentiers, toilettes, abri, etc.). Le secteur du chemin Fraser La visite de la Réserve nationale de faune du Lac-Saint-François commence nécessairement par le kiosque d'interprétation situé au bout du chemin Fraser. C'est le centre d'animation de la réserve ainsi que le point de départ d'une passerelle menant à une tour d'observation. Dans les champs avoisinants, on peut facilement voir le goglu et la sturnelle, et différentes espèces de bruants, de parulines et d'hirondelles. L'Urubu à tête rouge y est également observé. Du haut de la tour, la vue est formidable ! On contemple l'immensité de la réserve qui se fond à l'horizon dans les eaux bleues du lac Saint-François. Il s'agit également d'un bon endroit pour surveiller les rapaces, surtout en période de migration. À une centaine de mètres de cette structure, on aperçoit le point de départ pour les excursions guidées en canot rabaska. D'une durée de deux heures, cette petite expédition vous emmène dans les recoins les plus reculés de la réserve. Glissant silencieusement sur les canaux sinueux, chaque tournant est propice à de nouvelles découvertes. C'est une expérience à ne pas manquer. Après l'excursion en canot, on est bien content de se dégourdir un peu les jambes sur un sentier fort attrayant nommé Trille penché. Du kiosque d'interprétation, il faut marcher environ 700 mètres en direction sud, sur le chemin Fraser, pour en trouver l'entrée qui est en partie dissimulée. D'une longueur d'environ un kilomètre, le sentier fait le tour d'une sorte de presqu'île entourée de marécages. On y trouve une forêt de feuillus hétéroclite et une cédrière. Plusieurs espèces de parulines, de grives et de pics habitent cet endroit. Peut-être même y verrez-vous le rarissime Pic à tête rouge qui niche occasionnellement dans la réserve. Une fois la visite du secteur du chemin Fraser terminée, de retour à la route 132, différentes options s'offrent aux visiteurs: vers l'est, une excursion aux aménagements de Canards Illimités et, à l'ouest, le secteur de la pointe Hopkins. Allons d'abord vers l'est ! Le royaume des canards Sur la route 132, en direction est, à 800 mètres du chemin Fraser, ceux qui n'ont pas froid aux yeux peuvent s'engager sur un sentier aménagé sur la digue d'un bassin de Canards Illimités. Il faut compter une bonne demi-journée pour en faire le tour complet, mais le spectacle saisissant qui s'offre aux observateurs en vaut vraiment la peine. Cet endroit est un véritable royaume pour les canards. Quinze espèces d'anatidés nichent à cet endroit dont le Fuligule à tête rouge et le Harle couronné. On y observe couramment six espèces de hérons dont le Petit Blongios et la Grande Aigrette. Les râles et les grèbes sont également nombreux à occuper ce marais. Chaque printemps, le Faucon pèlerin et le Pygargue à tête blanche y font aussi leur apparition. Le mystère au bout du sentier Sur la route 132, en direction ouest à 3,5 kilomètres du chemin Fraser se trouve l'entrée d'un nouveau sentier qui n'est accessible que depuis l'an passé. Il s'agit du Sentier Piasetski. Long de trois kilomètres, il s'agit sans doute du meilleur endroit de la réserve pour observer les passereaux. Le début du sentier traverse un champ humide puis arbustif propice à l'observation de bons nombres de parulines et de bruants. Le Coulicou à bec noir, le Gobemoucheron gris-bleu et le Moqueur polyglotte fréquentent aussi ce secteur. Le sentier s'engage ensuite dans une forêt de feuillus où viréos, tangaras et moucherolles abondent. Enfin, à l'extrémité du sentier on pénètre dans un endroit portant le nom mystérieux de Marécage Bois-d'enfer. Ce lieu doit son nom à une plante peu commune appelée Sumac à vernis. Il s'agit de l'une des plantes les plus vénéneuses du Québec. Ne touchez surtout pas à ce petit arbre, sans quoi vous pourriez avoir de graves problèmes cutanés et devoir être hospitalisé. D'autres plantes inusitées telles que les impressionnants Choux puants peuplent cet endroit et lui confèrent une atmosphère d'étrangeté. Beaucoup d'oiseaux fréquentent ce marécage, mais c'est surtout le domaine de la Paruline des ruisseaux et du Tyran huppé. Un détour profitable Le secteur situé à l'extrême sud-ouest de la réserve mérite vraiment qu'on fasse un détour pour s'y rendre. Il faut continuer sur la route 132 en direction ouest, traverser la frontière américaine tourner à droite dans le village de Fort Covington et revenir sur nos pas en empruntant le chemin qui longe la Rivière au Saumon. Ce chemin mène à la Pointe Hopkins. De chaque côté du chemin, les marais et marécages s'étendent à perte de vue. Pour le visiteur qui s'y rend pour la première fois, le dépaysement y est total ! Pendant la belle saison, il est courant d'y surprendre des Grandes Aigrettes en train de chasser dans les marais avoisinants. D'ailleurs, à quelques kilomètres à peine de la réserve, on trouve l'île Dickerson, le seul site de nidification connu au Québec pour cette espèce. La nuit, en bordure de ce chemin, il est parfois facile, pour les noctambules, d'entendre le Râle jaune au printemps, un autre oiseau peu commun. Accès au site Pour se rendre à la Réserve nationale de faune du Lac-Saint-François, il faut emprunter la route 132, en direction ouest, jusqu'à son extrémité. La réserve est située à environ 90 kilomètres de Montréal. La meilleure période pour visiter la réserve se situe entre le 15 avril et le 30 septembre. Il faut prévoir au moins deux bonnes journées pour tout voir. Les excursions guidées en canot rabaska sont disponibles, à un prix modique, du mois de mai jusqu'à la fin de septembre. Il faut réserver en appelant au (450) 370-6954, fax: (450) 264-4519 ou courrier électronique : yletour@rocler.qc.ca Gare aux moustiques! Les insectes piqueurs de tout acabit pullulent partout sur la réserve. Ne vous y engagez pas sans avoir sous la main un bon chasse-moustiques, sans quoi votre excursion pourrait vite se transformer en un véritable cauchemar. Spécialités de la réserve Coulicou à bec noir Diffusé avec l'approbation du magazine QuébecOiseaux |