Pour la nième fois, je sers de guide à deux collègues observateurs d'oiseaux désireux de voir des Dindons sauvages au Québec. Depuis déjà un certain temps, nous avions convenu d'effectuer cette sortie à la fin d'avril, moment le plus propice de l'année pour se rendre au pays du dindon. La perspective de cette excursion me réjouit doublement car d'abord, je retourne dans un coin que j'affectionne beaucoup, celui d'Hemmingford, puis aussi, j'ai la chance d'avoir deux agréables compagnons de voyage. Très tôt le matin Nous nous sommes donnés rendez- vous très tôt, plus exactement à 4h00, dans le terrain de stationnement d'un centre commercial de Brossard. En moins de 45 minutes, via l'autoroute 15 sud, nous atteignons la sortie 13 et nous engageons sur le chemin Murray. Anticipant avec impatience d'entendre les premiers glouglous, je stoppe notre véhicule et nous débarquons. L'obscurité est complète. Seule une vague lueur du côté du levant laisse présager que la nuit tire à sa fin. Nous réussissons à peine à distinguer en bordure de la route la silhouette de quelques thuyas, une essence très répandue dans cette contrée. Plusieurs minutes d'écoute assidue ne font qu'attiser notre impatience. Nous reprenons la route. À l'intersection du rang Saint-Paul, nous tournons à gauche et nous roulons jusqu'à une voie de chemin de fer désaffectée. Quelques oiseaux affirment enfin leur présence. Une Chouette rayée lance quelques appels qui demeurent toutefois sans réponse, tandis qu'une Bécassine des marais exécute inlassablement sa parade aérienne au-dessus de nos têtes. Les premiers glouglous À nouveau, nous repartons et bifurquons plus loin en direction sud sur le chemin Heeny. Un sous-bois jeune et dense borde la route mais nous parvenons sous peu dans un milieu plus ouvert formé par la combinaison d'un champ labouré à gauche et d'une plantation de jeunes pins de l'autre côté. L'endroit semble idéal. Les arbres se détachent maintenant de façon plus nette sur l'horizon mais l'obscurité enveloppe encore la campagne environnante. Nous écoutons sans mot dire. Un cri rappelant un aboiement se perd dans le vent. Un long silence s'installe suivi d'un autre cri. Mes compagnons s'interrogent. Perplexe, je chuchote à leurs oreilles: "ça ne semble pas être un chien, il se pourrait que ce soit un dindon." Un autre cri beaucoup plus près de nous vient confirmer mes présomptions, tandis qu'un troisième provient d'une autre direction. Nous n'en croyons pas nos oreilles. Nous scrutons attentivement la lisière du champ sans rien trouver. Mais où sont-ils?. Le puissant glouglou émis par les mâles est perceptible à plus d'un kilomètre. Il n'est donc pas étonnant qu'on ne puisse les repérer avec facilité. Aux glouglous des dindons se mêlent pendant quelques instants les hululements de deux Grands-ducs d'Amérique. À l'arrière de nous dans les jeunes pins, des passereaux amorcent leur premier tour de chant. C'est d'abord un Bruant familier, suivi d'un Moqueur roux, puis d'un Bruant des champs dont les notes sifflantes et harmonieuses évoquent les premières tiédeurs du printemps. À l'orée du bois Incapable de repérer l'oiseau tant recherché, je redémarre donc. Après deux virages rapprochés, le premier à gauche sur le chemin Quest puis l'autre à droite sur le chemin Fisher, je ralentis devant une jolie ferme située à l'écart de la route sur la droite. La voiture à peine immobilisée, il me semble percevoir un mouvement à l'orée du bois au-delà des bâtiments. Nous sortons rapidement et braquons nos télescopes dans cette direction. La scène tant attendue s'offre enfin à nous. Deux mâles font la roue et se pavanent devant un groupe de trois femelles à environ 500 mètres de nous. À cette distance, les oiseaux ne sont pas dérangés par notre présence et nous pouvons les admirer à loisir pendant plus de 30 minutes. Une région riche en oiseaux Enchantés par le spectacle et la tête pleine de belles images, nous quittons à regret ce site et empruntons plus loin le chemin Shields. De grands Pins blancs dominent le paysage et d'anciennes clôtures de pierre témoignent d'un sol rocailleux et peu favorable à la culture. Partout, les pâturages, les champs de maïs et les vergers alternent avec de grandes surfaces boisées, créant un environnement idéal pour le dindon ainsi que pour de nombreuses autres espèces qui, avec la venue de l'été, s'y installeront pour nicher. En fait, plus d'une centaine d'espèces d'oiseaux, incluant 16 espèces de parulines, se reproduisent sur ce territoire, ce qui exhorte sans doute les ornithologues québécois à y revenir aussi souvent. À l'extrémité du chemin Shields, un virage à droite suivi aussitôt d'un virage à gauche nous conduit sur le chemin Brownlee. Un peu avant les premières habitations, nous stoppons pour inspecter l'orée de la forêt à notre droite. Des dindons y ont été aperçus à maintes occasions et en outre, un couple de Buses à épaulettes fait son nid depuis longtemps dans ce secteur. Cette fois, la chance ne nous sourit guère. Plus loin vers le sud, nous traversons de grands vergers. Deux oiseaux perchés sur un fil électrique attirent notre attention. Leur comportement est typique; ils plongent tour à tour près du sol pour capturer quelque insecte. Il s'agit bien sûr d'un couple de Merle-bleu de l'Est, un nicheur familier dans les parages mais dont la beauté suscite toujours beaucoup d'émerveillement. Près de la frontière Au bout du chemin Brownlee, nous choisissons d'aller vers
la gauche sur la rue Fisher, pour rejoindre plus loin le chemin Roxharn. Au sud, à moins
d'un kilomètre, se trouve la frontière. Nous nous attardons sur ce tronçon de route, ce
qui nous permet d'observer, entre autres, un Grand Pic et de nous délecter du concert
présenté par un Cardinal r旘Ƨgent/p>
Nous revenons vers le nord jusqu'à la montée Glass.
D'abord flanquée de peuplements denses de thuyas, cette route nous laisse découvrir plus
loin de vastes labours sur notre gauche, tandis que la forêt forme encore une muraille
solide à droite. J'immobilise la camionnette près d'un ponceau enjambant un fossé et
j'informe mes compagnons que deux nids de dindons furent découverts à la lisière de la
forêt à notre droite, l'un en 1984, l'autre en 1989. Soudainement, comme pour témoigner de mes propos, un
Dindon sauvage traverse à la course un pré situé en retrait et disparaît au milieu
d'un îlot d'arbres à l'arrière d'une antique maison de pierre. Nous accélérons
rapidement vers le chemin Alberton afin, pensons-nous, de le rattraper de l'autre côté
de ce petit bois. Tout cela en vain toutefois. Nous sommes surpris de constater avec
quelle rapidité ce grand gallinacé au profil si imposant s'est volatilisé. Nous en
concluons qu'il a dû s'envoler, ce que cet oiseau ne fait pas souvent, mais qu'il peut
quand même accomplir avec une étonnante agilité. Retour vers le nord Vers le nord, le chemin Alberton franchit un petit secteur
forestier, puis de grands champs où l'on a commencé les semailles. À cette époque de
l'année, ce sont surtout les Alouettes hausse-col et les diverses espèces d'ictérinés
qui envahissent cet habitat. Une Buse à queue rousse fait le guet discrètement à
l'orée d'un bois, tandis que sa compagne, présumons-nous, a déjà commencé à couver
ses oeufs. Parvenus au bout du chemin Alberton, nous nous dirigeons à
droite en direction de l'autoroute 15 où nous faisons halte dans un restaurant pour un
petit déjeuner bien mérité. Les souhaits de mes compagnons semblent avoir été
comblés au plus haut degré, ce qui a pour conséquence d'alimenter la conversation
durant toute l'heure du petit déjeuner. Nous repartons ensuite vers Covey Hill et
Huntingdon pour d'autres belles découvertes. Carte du site Diffusé avec l'approbation du magazine QuébecOiseaux
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